Un intérêt certain pour la présence de pollinisateurs
C’est auprès des partenaires et agriculteurs impliqués dans le projet qu’Amélie Mandel, animatrice technique et scientifique pour le Réseau Biodiversité pour les Abeilles (RBA) a présenté les résultats de la deuxième année d’expérimentation.
Pour évaluer l’intérêt des bandes de luzerne non fauchées sur la ressource alimentaire des pollinisateurs, 9 parcelles (3 par âge de luzerne) ont été suivies en 2015 sur la commune de Beine Nauroy, soit 80 ha de luzerne.
Si en 2014, le maintien des bandes de luzerne avait engendré des problèmes de salissement, cette situation a été corrigées en 2015 (alternance à chaque coupe de la bande non fauchée de manière à ce qu’elle ne soit jamais deux fois au même endroit dans la parcelle).
Côté floraison de la luzerne, la mise en place de bande non fauchée permet d’allonger considérablement la période de présence de fleurs de luzerne. La floraison d’une durée moyenne de un mois (mi-juillet à mi-août) passe à plus de trois mois (mi-juin à mi-septembre) avec la présence de bandes non fauchées.
Sur la présence des pollinisateurs, il a été relevé trois fois plus de pollinisateurs dans les bandes non fauchées que dans le reste de la parcelle et ce quel que soit l’âge de la luzerne (1er, 2ème ou 3ème année). Par exemple, les papillons sont cinq fois plus présents dans les bandes non fauchées que dans le reste de la parcelle (cf. graphique). L’optimum en termes d’attractivité de la bande non fauchée pour les pollinisateurs se trouve avec une intercoupe de luzerne entre de 50 à 60 jours, cependant la plupart des luzernes sont fauchées entre 45 et 50 jours. En termes de production de miel, un rucher dans un contexte comprenant des bandes non fauchées semble avoir une production de miel plus élevée, mais il reste difficile de mettre en évidence l’effet direct des bandes non fauchées sur cette production.
Quelles conséquences sur la production de Luzerne
Alexandre Lelaurin, responsable du site Luzéal de Pontfaverger, a présenté les impacts de cette expérimentation sur la production de luzerne. Pour ce qui est de la production globale, l’année 2015 ayant été particulièrement sèche, la baisse de production de luzerne est d’environ 2T/ha. Concernant la mise en place de bandes non fauchées, la perte de production dans les parcelles concernées est de 3,3 %.
Le programme « Apiluz » a également des contraintes sur la logistique, telle que l’augmentation du temps de récolte et d’andainage pour les bandes non fauchées.
Un traitement particulier de la luzerne des bandes non fauchée permet de limiter l’incidence sur la qualité des produits finis.
Reconduction et amélioration de l’expérimentation pour 2016
Au regard des résultats positifs présentés par RBA et Luzéal, les agriculteurs, les représentants de la coopérative et de Symbiose souhaitent poursuivre ce projet pour 2016 à l’échelle de la commune de Beine-Nauroy. Afin de facilité la récolte, quelques évolutions seront apportées au protocole d’expérimentation (largeur des bandes réduite à 3 m tout en conservant le même ratio de luzerne conduite en bande non fauchée).
La volonté est d’augmenter le nombre de parcelles concernées et de mieux les disséminer sur le territoire de la commune.
Interview de Benoit Lampson, Président de Luzéal
Pourquoi avez-vous souhaité vous impliquer dans le projet Apiluz avec Symbiose ?
Mettre en évidence les aménités d’une production est toujours porteur pour une filière.
La luzerne, quasiment seule grande culture régionale ayant une floraison estivale, c’est sans ambiguïté que Luzeal a répondu favorablement à cette demande, et ainsi répondre aux besoins des apiculteurs de notre territoire.
Les agriculteurs de Beine-Nauroy ont d’ailleurs accueilli avec bienveillance cette démarche.
Les quelques petites complications quant à l’organisation des chantiers de plaine sont sans commune mesure par rapport aux services rendus à nos apiculteurs.
Il n’y a pas de vie sans abeille, vecteur de la fécondation de nombreuses espèces végétales, et lorsque les différentes corporations d’un territoire peuvent se rendre service, la boucle est bouclée.
Quelles suites voulez-vous donner à ce projet ?
Effectivement cette belle expérimentation ne doit pas rester à ce stade.
Preuve est faite que la luzerne est une des solutions contribuant au respect de la biodiversité.
Je pense que la filière « luzerne », au travers de Coop de France Deshy doit être un véritable moteur de développement de cette démarche.
La généralisation de cette opération aura un coût pour la filière, au travers notamment de l’indemnisation des planteurs de luzerne.
Les aménités ont une valeur, la Société et les services publics doivent le reconnaître et y contribuer.
Ce projet est dans la continuité des expérimentations impulsées par Coop de France déshy.
Cette étude est financée par le Conseil Régional Champagne-Ardenne, la Dreal Champagne-Ardenne, l’Europe, la Fondation Nature et Découverte, la Fondation d’entreprise du Crédit Agricole Nord Est et la Chambre d’Agriculture de la Marne.